Chronique : Patrick Watson – ‘Uh Oh’
Pour certains, Patrick Watson restera à jamais l’auteur de Je te laisserai des mots, devenue la chanson francophone la plus écoutée sur les plateformes. Mais pour beaucoup d’autres, il est surtout l’un des compositeurs les plus singuliers et fascinants de sa génération. Depuis ‘Close to Paradise’, paru il y a près de vingt ans, le musicien québécois tisse un univers foisonnant, où chaque disque semble vouloir repousser les limites de l’intime et du grandiose. ‘Wooden Arms’ et ‘Adventures In Your Own Backyard’ en restent sans doute les plus éclatants témoignages. Puis, au fil de la dernière décennie, Watson s’est aventuré sur des terrains plus incertains, multipliant les expériences sonores, parfois jusqu’à l’abstraction.
Avec Uh Oh, son huitième album studio, il retrouve ce subtile équilibre qui fait tout son charme : une bedroom pop fragile et onirique traversée d’arrangements cinématographiques et parfois grandiloquents. Ainsi, Choir in the Wires convoque chœurs et cuivres façon mariachis pour se hisser vers des sommets d’émotion. Le point de départ de ce disque tient pourtant à une épreuve : l’artiste a connu l’un des pires « uh oh » de la carrière d’un chanteur, celui de perdre sa voix. De cette peur de ne jamais la retrouver est née une œuvre lumineuse, composée de onze titres où Watson s’entoure plus que jamais.
On retrouve à ses côtés les valeurs montantes de la scène francophone November Ultra, Solann et Charlotte Cardin ainsi que la légende Martha Wainwright. Leurs timbres féminins élargissent le spectre de sa musique, lui offrant une dimension encore plus émotive et bouleversante. The Lonely Nights, chantée en duo avec la native de Montréal La Force, en est l’un des plus beaux exemples : une chanson suspendue, où chaque souffle semble transformer notre quotidien en territoire enchanté. Il nous démontre ainsi sa capacité, s’il le fallait encore, à transformer nos lieux de vie quotidienne en pays des merveilles, remplaçant le stress et la tristesse par la magie et l’allégresse. Avec Ami imaginaire, Watson et Klô Pelgag mêlent l’électronique et l’organique pour donner naissance à une ballade vibrante, empreinte de poésie et d’étrangeté.
Conçu autour de cette exclamation enfantine — Uh Oh — qui dit autant les petits accidents du quotidien que nos vertiges les plus profonds, l’album se déploie comme un carnet d’émotions pures, du premier au dernier morceau. Il s’achève sur deux sommets : Gordon in the Willows, où la voix de Charlotte Cardin se fait éclatante de justesse, et Ça va, duo tendre et mélancolique avec la délicate Solann.
Avec ce disque, Patrick Watson signe sans doute l’une de ses plus belles œuvres, renouant avec ce mélange unique de délicatesse et d’audace qui a marqué ses débuts. Une bande-son idéale pour accompagner les jours d’automne qui s’annoncent, plaid sur les épaules et tasse de chocolat chaud à la main.