Il y a près de dix ans, le chanteur australien Riley Pearce sortait ‘Outside The Lines’, un premier EP prometteur porté par son titre éponyme et par Brave, devenu depuis son plus grand succès. Son univers indie-folk, à mi-chemin entre Dermott Kennedy, Hollow Coves et Local Natives, a su séduire bien au-delà des frontières australiennes. L’artiste s’est ainsi discrètement imposé, sans soutien massif de l’industrie, comme l’un des auteurs-compositeurs les plus constants et captivants de son pays. Avec ‘The Water & The Rough’, son premier album, Pearce confirmait sa capacité à fournir des mélodies aériennes et des hymnes (Keep Moving, 8 Hour Drive) taillés pour les roadtrip ou les journées suspendues. On y voyait alors poindre la trajectoire d’un artiste prêt à suivre la voie de ses aînés vers un succès international.

Pourtant, un an après le plus confidentiel ‘It’s Your Turn Now’, force est de constater que la carrière de Pearce stagne, en dépit d’une créativité toujours intacte. ‘The Weight Of Our Dreaming’, son troisième album, en est le reflet : un disque sincère, attachant, mais qui peine à nous enthousiasmer autant que dans le passé. On y perçoit toutefois le courage d’un artiste qui persiste, seul contre une industrie saturée, où les indépendants doivent se contenter de peu pendant que d’autres accumulent récompenses et visibilité. C’est là où réside la force de Pearce : continuer à écrire, partager, exister malgré tout, demeurant un artisan du sensible, capable de révéler la beauté dans les instants ordinaires et les doutes silencieux.

‘The Weight of Our Dreaming’ est à la fois un cri de résignation et un appel à la mobilisation : un album introspectif, presque thérapeutique. Riley Pearce y explore en profondeur le burn-out, les questionnements liés à la poursuite d’un rêve, mais aussi la douceur de sa vie de jeune père. Le titre You Won’t Be There empreint de mélancolie est à l’image de ses réflexions, évoquant la difficulté de la vie de musicien partant en tournée, se retrouvant ainsi loin de ses proches restés au pays. Certainement l’œuvre la plus vulnérable et la plus aboutie de Riley à ce jour, l’album aborde l’évolution du rôle de la musique dans sa vie, la pression croissante de l’industrie musicale et la réalité douce-amère de fonder une famille tout en poursuivant ses ambitions artistiques.

De l’atmosphère brute et envoûtante de Like A River à l’électrisante Left Side View en passant par la discrète rébellion de Magnets, l’album trace le portrait d’un artiste en quête d’équilibre. Si son univers folk atmosphérique conserve sa délicatesse et sa chaleur, il manque ici ce frisson immédiat, cette étincelle émotionnelle qui animait ses premiers morceaux. Mais peut-être est-ce justement le propos de Riley Pearce : grandir, douter, puis recommencer. Et dans ces failles, il touche finalement à quelque chose de profondément humain, là où la sincérité prend le pas sur l’originalité.

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